« Écrire face à la mer ».

C’était l’idée romanesque que je me faisais d’une « retraite d’écriture », plus solitaire que celle de « Tamara Drewe ». Même si je ne détesterais pas croiser dans mon hôtel quelques auteurs échevelés au front soucieux.

Pour moi qui ai été habituée à écrire face à tout (un stade en liesse, des toilettes, David Guetta), quelle nécessité d’aller écrire face à la mer ?

C’était un si vieux fantasme. D’abord caressé secrètement. Puis dégainé comme on plaisante, devant des amis forcément enthousiastes. « Mais oui, tu devrais le faire ! » Je prenais alors un soin méticuleux, presque suspect, à expliquer en détails pourquoi c’était impossible.

Qu’on ne comprendrait pas, que c’était trop compliqué, que je ne pouvais pas faire ça, que ce serait égoïste.

Je m’en faisais une montagne, de cette mer.

Et finalement, ce que je pensais être si compliqué, si impossible, s’est révélé tout simple le jour où j’ai eu envie que ce soit simple.

Oser déléguer, demander de l’aide, trouver les bonnes dates, faire une réservation non modifiable, non remboursable. Boum.

Typiquement le genre d’impulsion que j’aurais endiguée, avant. 
Avant d’avoir un deuxième enfant, de quitter mon job, de me mettre « à mon compte », d’écrire de chez moi, de passer beaucoup plus de temps en famille et de faire mon bilan annuel à l’aide du « Yearcompass ».

Le plus drôle ? Il n’y a absolument pas trace, dans mon Yearcompass, de cette retraite d’écriture, tellement je m’auto-censurais.
C’est venu après coup.
Faire le point sur mes avancées, mes envies, mes « chantiers », a ouvert une vanne. Autoriser un rêve – même solitaire – à devenir un projet.

Je vous écris, comme il se doit, depuis le train qui m’emmène à destination. Champ des possibles grand ouvert.

J’ai choisi un vieil hôtel du Touquet que je connais déjà, à l’architecture déroutante, vaisseau de béton 70’s planté au milieu des dunes et des mouettes, à l’extrémité de la station, avant que la loi littoral de 1986 n’interdise de telles constructions.

Je n’y suis pas retournée depuis sa récente rénovation. J’espère qu’il a gardé – un peu – de cette étrangeté datée qui avait fait flamber mon imaginaire la première fois. M’évoquant davantage un sanatorium ou un centre de recherche bactériologique désaffectés qu’un lieu de tourisme.

C’était exactement là que j’avais envie d’installer mes grands Moleskine remplis de notes et de schémas, mon ordinateur portable, ma tasse de café.

Et de plancher sur mon deuxième livre, calfeutrée dans ma chambre, avec vue imprenable sur l’écume, le sable et les chars à voile.

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1 Comment

  1. balibulle

    14 mai 2021 at 16h29

    Girlinduplex Le 15 février 2019, 12:52

    Super idée ! Habitant sur la côté de la Manche. Nous sommes encore allés hier faire courir le petit. Il adore ça on a fait fuir les mouettes. Et il a adoré ça il ne faisait pas froid. Le soleil nous rechauffait bien il y avait du monde de sortie mais ça va on pouvait se sentir seul face à la mer et se gorger d iode par contre après le coup de barre fatal mais delicieux.

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    Balibulle Le 19 février 2019, 12:27

    ce délicieux coup de barre post-iode !

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    anais Le 15 février 2019, 16:13

    Belle démarche! C’est pas si facile d’être à l’écoute de ses envies, bravo.J’espère que l’inspiration sera au rendez-vous.

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    Balibulle Le 19 février 2019, 12:42

    Exactement, il faut s’interdire l’auto-censure…

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    Anne-Sophie Le 15 février 2019, 16:22

    Ton deuxième livre ! Quel plaisir de lire ces mots !! super nouvelle !
    Et quelles résonances entre les mots précédents (autoriser un rêve à devenir un projet…) et ce qui me plonge dans mes contradictions en ce moment… peut-être bien que cela me servira de déclic ! merci 🙂

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    Balibulle Le 19 février 2019, 12:43

    Merci !! Un déclic procède souvent par longue accumulation de petits signaux que l’on ne discerne, jusqu’au jour où… Alors je croise les doigts pour toi !

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    MarieG Le 15 février 2019, 18:40

    La mer en hiver, c’est tellement bien… j’ai le souvenir d’une thalasso à Deauville pour remettre en marche un poignet cassé, c’était divin.

    Passe un excellent séjour, reviens-nous comblée

    Belle soirée

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    Balibulle Le 19 février 2019, 12:45

    Mer en hiver, montagne en été… le bonheur !
    Et oui pour un poignet, le repos total s’impose… (et ça devait faire sacrément mal) alors Deauville, en plus !

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    Gingerlemon92 Le 15 février 2019, 18:59

    J’ai remarqué que souvent on s’interdit de vivre des choses avant même de mesurer si c’est possible, d’autant quand on a des enfants. Comme si le fait de prendre du temps pour soi faisait de nous une mauvaise mère. J’admire, j’envie les jeunes femmes d’aujourd’hui qui osent plus que celles de ma génération. Combien de fois ai-je entendu « Tu rentres tard du travail, c’est embêtant pour tes enfants « , « Tu vas laisser tes enfants ? ». Résultat, je ne me suis autorisé à « laisser » mes enfants que pour aller travailler. Pourtant, comme ces courtes retraités m’auraient fait du bien! Une question cependant : si tu n’as rien écrit au terme de ces quelques jours, ce n’est pas grave? Ce serait dommage de se mettre la pression, car l’inspiration ne vient pas forcément sur commande. J’ai hâte de lire ce que tu vas produire car j’adore ta plume.

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    Balibulle Le 19 février 2019, 12:53

    Merci beaucoup Ginger ! Je ne suis pas si éloignée de ta démarche, moi aussi j’ai « laissé » mes enfants pour travailler. La prochaine étape sera de les laisser pour vraiment ne pas bouger le petit doigt 😉
    Ta question sur l’inspiration me met en joie, parce que j’ai plein de choses à partager là-dessus, je le ferai dans un prochain billet.
    Ma manière à moi de ne pas me mettre la pression ça a été d’arriver avec « de l’avance » par rapport à mon rétro-planning d’écriture (oui, j’en ai un !).
    Et c’est ce qui m’a permis d’être sereine chaque jour et de vraiment profiter. Si je n’écrivais pas du tout, je n’aurais pas profité. Si je ne faisais qu’écrire je n’aurais pas profité non plus.

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    Jicky Le 15 février 2019, 19:11

    excellente initiative et morte de rire!! sais tu que mon fantasme de retraite studieuse à moi, c’est une chaumière en pleine Ardèche paumée? et que je concrétise la chose très bientôt? yes, moi aussi je pars écrire dans l’isolement le plus total, mais paumée en pleine nature/ campagne/ montagne et dans une VRAIE chaumière.

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    Balibulle Le 19 février 2019, 13:03

    ça ne m’étonne pas vu ton fil Instagram, tu es très chaumière ! C’est pour quand ?

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    MarieG Le 15 février 2019, 23:17

    Curieux: pour écrire, certain.es ont besoin de solitude en Ardèche, de vue sur le grand espace de la mer; d’autres ne peuvent écrire qu’à leur bureau, sur leur machine à écrire ou leur ordinateur, en s’imposant un nombre de pages/signes/mots quotidiens; ou encore l’écriture n’est possible qu’à certaines heures: la nuit ou très tôt avant l’aube. Certains ouvrages ont été entièrement rédigés sur une table de bistrot, l’inspiration nourrie par différents bruits et odeurs, témoins d’une présence humaine nécessaire à l’écrivain.

    Autant d’écrivain.e, autant d’ambiances différentes

    Faites de beaux rêves

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    Balibulle Le 19 février 2019, 13:30

    Je trouve ce sujet absolument fascinant et inépuisable, et j’ai envie de me documenter dessus, et de vous en reparler…

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    camelot Le 16 février 2019, 08:34

    Bravo ! quelle bonne nouvelle ce livre, j’ai hate de te lire ! profite bien de ce week end si special !

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    Balibulle Le 19 février 2019, 13:31

    Merci beaucoup !!

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    Anonyme Le 16 février 2019, 20:38

    Comme toi, il y a plusieurs années déjà, je suis allé dans le Grand Hotel de Cabourg avec pour projet d’écrire – non pas un livre, mais un rapport professionnel qui devait être terminé.
    J’avais réservé la chambre de Marcel Proust, qui a été gardée pratiquement dans son état d’origine, en pensant que cela favoriserait mon inspiration.
    Eh bien non ! Assis devant le bureau de l’écrivain, ce fut la déconcentration et la panne sèche totale, va savoir pourquoi 😀
    Je suis rentré bredouille de mon WE… mais je sais pour l’avoir expérimenté qu’il existe des lieux particulièrement propices à l’écriture et que ces lieux sont propres à chacun, sans qu’on puisse le deviner à l’avance, et il ne s’agit pas là de superstition car l’inspiration y revient immanquablement, du moins il en a toujours été ainsi pour moi.
    Je souhaite qu’avec ce séjour tu sois tombée sur l’un de tes lieux magiques…^^

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    Balibulle Le 19 février 2019, 13:36

    Oh j’adore cette histoire, ta démarche, le choix de l’hôtel (magique et tellement littéraire), et puis… l’inattendu ! Rencontrer nos lieux propices, ou tenter de les rencontrer, c’est romanesque en soi.
    Moi je suis plus prosaïque et capable d’écrire n’importe où tant que je suis au calme avec du temps devant moi… alors je savoure les cadres exceptionnels avec encore plus de plaisir.

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    Anonyme Le 19 février 2019, 14:32

    Rien à voir, mais nous attendons de toi une réaction officielle à la mort de Karl Lagarfeld…

    Anonyme Le 19 février 2019, 14:34

    Je n’ai rien dit, je viens de voir ta réaction… ; )

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    Balibulle Le 19 février 2019, 14:36

    😉

    Armelle Le 17 février 2019, 10:59

    Whouaaa, inspirant en effet un tel cadre.
    Profite bien.

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    Balibulle Le 19 février 2019, 13:56

    Merci ! C’est le bonheur

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    Zadig Le 18 février 2019, 13:23

    C’est fabuleux, et comme tu le dis ça paraît impossible, et pourtant, comme tu le dis, finalement il suffit de sauter le pas, de faire les réservations, et de s’autoriser à faire des choses un peu… hors du commun.
    Les retraites d’écriture à la Tamara Drewe me font fantasmer, et j’adorerais, dans une vie rêvée, ouvrir ma propre maison d’écrivains, où j’écrirais avec eux, cuisinerais pour eux, participerais à leurs débats littéraires… dans une vie rêvée, donc, car je suis sûre qu’en vrai ça ne ressemble pas tout à fait à ça !
    En attendant, je m’accorde aussi parfois, quelques escapades pour écrire, j’ai la chance d’avoir une pièce qui m’est réservée dans notre maison, la chambre à soi dont parle Virginia Woolf, et qui me permet de m’isoler et d’oublier parfois, un peu, pas longtemps, le bruit de mon fils et les appels des tâches quotidiennes ^-^
    J’espère que ton séjour sera prolifique, d’après tes photos sur IG c’est le cas, tu sembles profiter et te régaler, ça a l’air génial!
    J’ai hâte d’en savoir plus sur ce projet de second livre, aussi.
    Alors à très vite !

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    Balibulle Le 19 février 2019, 13:59

    Hello Zadig !
    Merci pour le livre, je vous en parle très en amont à cause de ce voyage, mais promis je distillerai ce que je pourrai en temps et en heure 🙂
    Je comprends à 1000% ton fantasme et c’est ce qui m’avait le plus accrochée dans Tamara Drewe. Si tu connais d’ailleurs d’autres films / livres qui évoquent ces maisons d’écrivains tu me diras ? Ça me fascine.
    Et puis tu as THE chambre à soi, mon rêve ! Comment la sanctuarises-tu ? Fermée à clef ? Visiteurs autorisés ?

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    Emeline Le 18 février 2019, 13:42

    Sublime article ! Qui parle et d’écrire et d’ouvrir le champ des possibles. Tout ce que j’aime 🙂

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    Balibulle Le 19 février 2019, 14:01

    N’est-ce pas ? 😉 Enfin à propos de « tout ce qu’on aime », hein, le « sublime article » je ne le prends pas pour acquis, haha !

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    Brunette Le 18 février 2019, 16:20

    Je te l’ai dit sur insta, je le redis ici: tes photos <3
    Je me suis rendue par 2 fois au Touquet, dans ce même hôtel, ce truc immonde échoué sur le sable! Les circonstances étaient compliquées, mais les quelques jours n'en ont été que plus rayonnants (on avait la même météo, en février, et en août!)

    Je fais écho à la question de Gingerlemon: le fait de booker quelques jours pour écrire, ça ne te met pas trop la pression car justement, il "faut" écrire?
    Ou peut-être avait tu justement besoin de ce temps pour enfin coucher tes pensées tournoyantes…

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    Balibulle Le 19 février 2019, 14:29

    C’est fou ce micro-climat touquettois !
    Donc tu connais cette architecture énigmatique, j’avais oublié que le béton était trop épais pour passer des coups de fil…
    Côté écriture, le plus dur c’est de se lancer, et c’était bien avant d’arriver ici, heureusement ! J’avais besoin de « m’y mettre » dans mon cadre habituel, avant de faire cette retraite d’écriture, pour être déjà portée par un élan.

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    petitsruisseauxgrandesrivieres Le 20 février 2019, 14:02

    je découvre ton blog par Hellocoton, et ton billet me fais rêver ! je te jalouse même un peu, je te l’avoue, tellement j’aimerais m’offrir ce luxe. Mais ton billet me montre aussi que c’est possible, à partir du moment où l’on s’accorde le droit de vivre ce désir ! bonne retraite littéraire alors 😉

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    Brunette Le 20 février 2019, 19:39

    Je viens de lire ta réponse plus haut au sujet du retro planning d’écriture…pas étonnée pour 1 sou venant de toi !
    J’y étais en 2007 Et je ne me souviens pas si on avait nos portables pour être honnête ! Je me souviens par contre tellement de la piscine d’eau de mer, et la vue…

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    Jane B. Root Le 4 mars 2019, 09:29

    Perso quand j’ai envie/besoin d’écrire je m’installe plusieurs jours ici et face à ça. La mer m’ennuie à mourir. Bonne introspection <3
    https://www.foto-webcam.eu/webcam/koerbersee/

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    Mafalda Le 13 mars 2019, 21:02

    Quelle belle initiative, mon rêve!
    Lorsque j’étais ingénieur, j’étais en clientèle à Dunkerque en plein hiver et je me suis retrouvée sur la plage du débarquement lorsqu’il s’est mis à neiger, et j’ai vécu un des moments les plus inoubliables de ma vie. De la neige sur la plage, dans un endroit aussi mythique!
    Ce jour-là j’ai pris de belles photos avec mon vieil appareil argentique, et j’ai commencé à écrire mon recueil de nouvelles.
    Je pense que l’on a parfois besoin de s’isoler pour écrire. Avant j’étais attirée par la foule, les grandes villes, mais en vieillissant, j’avoue que j’aspire à plus de calme.
    Aujourd’hui je vis à Montpellier, et j’ai découvert un vrai bijou près de chez mon compagnon: Frontignan Plage. C’est le seul endroit de la côte qui n’est pas touristique et l’eau y est d’un vert émeraude, cela me rappelle Montauk l’hiver et le Mexique l’été.
    J’y nage avec mes palmes l’été jusqu’à 4 km par jour, et c’est un pur bonheur. Si un jour tu as l’occasion de passer dans le coin, je te le conseille, c’est un vrai bonheur.
    Sète hors saison est également un vrai joyau, avec le Mont Saint-Clair, la Corniche (qui fait beaucoup penser à l’Australie et à la côte d’Azur avec ses roches rouges et son eau cristalline)… Et puis il y a le cimetière marin, et le joli Centre Georges Brassens qui est vraiment un endroit magnifique. On peut y voir sa tombe dans le cimetière qui se trouve en face, et chose incroyable, une petite chatte vit auprès de sa tombe, et les fans du chanteur qui adorait les chats viennent la nourrir tous les jours!
    Je te conseille vraiment de découvrir ce coin si tu es passes dans le Sud avec ta famille, tu ne seras pas déçue, mais entre avril et fin juin et début septembre et mi-octobre, sinon c’est blindé de touristes.

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