« Il me semble que le silence nous a arrangés, eux et moi. Il me protégeait. Il m’évitait le poids de cette vénération qui entourait certains enfants décédés de la famille, avec une cruauté inconsciente pour les vivants. »

Quatre Annie Ernaux engloutis comme on se goinfre depuis l’annonce du Nobel et parmi eux, la très grosse claque, « L’autre fille », publié en 2011.

En 78 pages sidérantes, Ernaux y raconte comment elle a découvert accidentellement, à 10 ans, l’existence d’une grande soeur, morte avant sa naissance.

Comment elle a vécu le reste de sa vie sans jamais aborder le sujet avec ses parents.
Comment chaque partie s’est accommodée de cette ombre immense, jamais nommée.
Les autres membres de la famille qui gaffaient.
Cette manière de parler de « la tombe » devant Annie.
Le temps qu’il a fallu à l’écrivaine pour tout recouper, le cartable, le petit lit, les photos, tout ce qu’elle pensait être sien et qui venait de cette soeur.
Les mots lâchés par sa mère à une cliente « elle était plus gentille que celle-là ».
Le constat terrible : ne rien ressentir, « ni haine, ni tendresse » pour l’absente.

Savoir qu’il n’y avait qu’une place, une seule, et qu’on l’a occupée par défaut.

« Toi et moi étions destinées à rester uniques. Leur volonté de n’avoir qu’un seul enfant affichée dans leurs propos “on ne pourrait pas faire pour deux ce qu’on fait pour un” impliquait ta vie ou la mienne, pas les deux. (…) Je suis venue au monde parce que tu es morte et que je t’ai remplacée. »

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