La vérité de la plage n’est pas d’être regardée mais invisible.

Je le sais parce que j’ai eu ces yeux-là, ceux qui traversent mes semblables sans les voir pour aller se visser sur les autres, les pommelées, les fuselées, qu’elles chahutent sur les épaules des garçons ou surveillent le château de sable du petit dernier. J’épie leurs muscles qui roulent sous la peau, leur chair opaque qui les habille comme un étui.

Ça se comprend quand on arrête, ça se comprend par contraste et je l’ai compris cet été quand je me suis exercée à regarder pour la première fois mes congénères, invisibles pour moi jusque là. Ces femmes qui font forcément le même poids que moi, ou plus encore.

Nous n’avons pas cette chair opaque comme un étui.
En maillot de bain nous avons toujours l’air nues, plus nues que les autres. Avec nos corps qui ne font mystère de rien, ni des années ni des grossesses ni des excès. Avec nos peaux marbrées et vallonnées, avec la courbe de nos ventres qui concurrence celle de nos seins.

Je nous regarde en me demandant si mon regard est la solution ou le problème.

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Chapitre 5 – LES AUTRES FEMMES – Paru le 15 janvier 2025